Immobilier et technologie : tout reste à construire

2006 7

Par Gaetan Mathey, co-fondateur de Bernie 

Comme dans bien des secteurs, la crise sanitaire a été révélatrice des bienfaits de la technologie dans l’immobilier. Reste à transformer l’essai pour améliorer durablement un univers encore trop réfractaire au changement.  

Le jeu de mot est facile, mais retranscrit bien la réalité : peu de secteurs d’activités sont restés autant brick & mortar que l’immobilier. L’histoire de sa transformation numérique prend peu de temps à résumer : il y a 20 ans tout se faisait sur papier et stylo, depuis les agences immobilières ont créé des sites Internet, quelques-unes ont poussé la démarche jusqu’à s’équiper de logiciels de gestion, notamment pour faciliter les états des lieux. C’est à peu près tout. Un peu léger pour parler de révolution, toute numérique soit-elle. 

L’instinct de survie a toutefois poussé le secteur a un sursaut de lucidité au début de la crise sanitaire. Certaines initiatives digitales ont été développées et ont permis aux professionnels de continuer à travailler tout en limitant les interactions physiques. C’est encore beaucoup trop limité, mais cela a eu l’effet positif de faire prendre conscience de l’intérêt d’implémenter des solutions novatrices. 

Une feuille de route précise 

Le reste du chemin à parcourir n’est d’ailleurs pas aussi escarpé que ce que certains pourraient croire. Pour la grande majorité des acteurs, c’est  simplement dans l’automatisation des tâches et la gestion de données structurées grâce à des technologies et algorithmes ordinaires qu’il faut progresser. De telles pratiques permettraient aisément la génération automatique de mandats et baux, l’intégration de solution de signatures électroniques, la synchronisation des données entre les différents outils métiers des professionnels, le paiement en ligne et la prise de rendez-vous. 

Une fois ces tâches métiers importantes automatisées et la gestion des données structurées maîtrisées, c’est l’intelligence artificielle qui provoquera un changement important des métiers de l’immobilier. Le Big data et l’analyse de grands volumes de données peuvent par exemple dès aujourd’hui permettre la création d’outils de gestion d’investissements immobiliers. Quelle évolution que de pouvoir prévoir la valeur d’un bien dans le futur ! Cela est déjà possible en analysant des données de marché actuelles et passées, des données géographiques, financières, etc.  

Gain de temps et de qualité 

En immobilier résidentiel le premier et principal effet de cette évolution technologique souhaitable serait finalement un gain de temps pour les acheteurs / locataires ainsi que pour les professionnels. L’analyse des données disponibles couplée à l’utilisation de l’IA permet par exemple d’améliorer grandement la recherche d’un bien à acheter ou louer. Un algorithme est tout à fait en mesure de récupérer une immense quantité de data, de l’analyser en fonction des critères de recherche et ainsi d’émettre des recommandations. Si le calme est important, la solution utilisée peut étudier les axes routiers proches du bien. Si la sécurité est une condition, c’est le nombre d’agressions dans le quartier qui sera étudié. Si c’est l’éducation des enfants qui compte, il est tout à fait possible de localiser les écoles alentour et d’étudier leurs résultats. Les possibilités de ciblage sont infinies.   

L’utilisation de technologies d’IA peut également aider à limiter les déplacements, trop nombreux lorsque l’on cherche son logement. L’amélioration permanente des solutions de visites virtuelles, de plus en plus proches de la réalité, permet aujourd’hui de réduire considérablement le nombre de visites infructueuses. Les caméras 360°, couplées avec un module d’IA capable de recréer un environnement en trois dimensions, fournissent un rendu quasi identique au réel, rendant possible une véritable sélection en ligne. Il ne reste alors qu’à visiter les quelques biens entre lesquels il est difficile de trancher. 

Un retard hexagonal en passe de se réduire  

Aujourd’hui, malheureusement, la plupart des solutions immobilières technologiques viennent des Etats-Unis. En France, le secteur est essentiellement composé d’agences qui, si elles maillent physiquement et efficacement le territoire, sont trop petites pour se permettre d’investir dans le digital. C’est pourquoi la réponse doit venir de nouveaux acteurs.  

De nombreux entrepreneurs ont intégré ce besoin et une myriade de startups a vu le jour. Elles sont encore au début de leur vie, mais attirent déjà les investisseurs. Les levées de fonds dans le secteur sont la preuve de cet intérêt grandissant. Le circuit classique vers la transformation numérique d’un secteur est en cours de progression, bientôt les grands acteurs, conscients du retard qu’ils accumulent, rachèteront les jeunes pousses innovantes d’aujourd’hui.  

C’est ainsi que l’immobilier français rattrapera son retard. N’en doutons pas : les freins « physiques » qui existent encore vont disparaître, les outils de recherche vont poursuivre leur mue, les processus d’achats vont continuer à s’améliorer. Nous avons les fondations, construisons la suite ensemble.  

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